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Clair Obscur: Expedition 33 – L’émotion guide le pinceau

  • Photo du rédacteur: Melvares
    Melvares
  • 7 juin
  • 11 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 juin

Une idée forte avec un monde singulier


Il y a des jeux qui intriguent dès les premiers instants, par leur style, leur ambiance, ou simplement leurs idées. Clair Obscur : Expédition 33 fait partie de ceux-là. Il se présente comme un RPG narratif, au tour par tour, mais avec des mécaniques actives et un monde qui tranche avec ce qu’on a l’habitude de voir.


On y incarne un groupe de personnages décidés à mettre fin à un rituel mortel orchestré chaque année par une figure mystérieuse appelée La Peintresse. Chaque année, celle-ci peint un nouveau chiffre sur un monolithe. Le nombre décroît d’une unité à chaque fois et toutes les personnes ayant atteint cet âge disparaissent aussitôt, "gommées" du monde. L’histoire débute au moment où le chiffre passe de 34 à 33. Les héros ont donc une année pour agir, avant que leur tour ne vienne.


Derrière ce projet, on trouve Sandfall Interactive, un jeune studio français, porté par l’ambition de créer une œuvre sensorielle, littéraire et ludique à la fois. Leur monde n’est pas ravagé par une guerre ou une catastrophe naturelle, mais par un évènement aussi mystérieux qu’implacable : le Gommage.


Clair Obscur parle de destin, de deuil, mais aussi de mémoire, d’art, et de résistance. Le jeu ne cherche pas forcément l’action à tout prix, il prend son temps, et assume un style très personnel. C’est ce qui en fait à la fois une œuvre marquante et parfois clivante même si l'œuvre dépeinte ici par Sandfall Interactive a reçu un accueil critique et public dithyrambique. 


Un univers à part entière, servi par une narration généreuse


Dès ses premières minutes, Clair Obscur : Expédition 33 annonce la couleur : le monde que vous vous apprêtez à explorer n’a rien d’héroïque, ni même de véritablement vivant. Il est un monde en train de s’éteindre, doucement, méthodiquement, au rythme du pinceau d’une divinité silencieuse. Et cette conscience de la fin, imprègne chaque moments du jeu.


Le monde de Clair Obscur a quelque chose de figé. On sent que la vie a existé ici, mais qu’elle se retire peu à peu. Pas à cause d’une guerre, mais parce que chaque année, une partie de la population disparaît, "gommée" sans explication. Cette idée simple donne une tonalité particulière au jeu. Les espaces traversés semblent marqués par l’absence ou la mort, les dialogues portent souvent une forme de résignation, et même les silences ont du poids.


La narration est très présente. Le jeu prend le temps de raconter son histoire à travers de nombreuses scènes cinématiques, parfois longues, et des dialogues doublés en quantité. L’écriture est soignée, les enjeux bien posés, et les personnages ont tous droit à leurs moments d’exposition. Mais cela n’empêche pas Clair Obscur d’avoir aussi une narration environnementale riche : décors qui racontent une histoire, éléments à observer, fragments de journaux. Ces deux approches se complètent plutôt bien, et renforcent l’immersion.


Les membres de l’expédition sont eux aussi marquants, pas parce qu’ils sont héroïques, mais justement parce qu’ils sont humains. Ils doutent, se contredisent, prennent parfois de mauvaises décisions. Leur relation n’est pas toujours simple, mais elle évolue, avec des conflits, des silences, et parfois des élans de solidarité. On s’attache à eux, pas uniquement parce qu’ils sont là pour sauver le monde, mais également pour essayer de s’en sortir, ensemble.


Et malgré le poids du propos, Clair Obscur ne tombe pas dans le mélodrame. Le jeu sait aussi relâcher la pression. Certains dialogues sont drôles, certaines situations franchement décalées. L’humour, parfois absurde même, tombe souvent juste. Il permet de rendre les personnages plus vivants, plus crédibles, et surtout de faire respirer le récit. Cette légèreté ponctuelle n’efface pas la gravité du fond, mais elle le rend plus humain, plus digeste, et évite à Clair Obscur de sombrer dans un pathos écrasant.


L’univers, enfin, frappe par son style. Chaque lieu semble composé comme un tableau. Les couleurs, la lumière, les formes, tout participe à créer une ambiance entre rêve et réalité. Il ne s’agit pas de créer un monde réaliste, mais un monde qui évoque, qui questionne, et qui reste en mémoire.


Des combats au tour par tour qui ne laissent pas le joueur passif


Au départ, Expédition 33 semble proposer un classique combat au tour par tour : des compétences, des points d’action, des enchaînements. Mais très vite, le jeu y ajoute une vraie dimension active. Quand l’ennemi attaque, on ne reste pas simple spectateur : on peut esquiver, parer, contre-attaquer. Et ces actions ne sont pas accessoires, elles font la différence.


Ce système rappelle un peu ce qu’on trouve dans certains jeux comme Paper Mario, ou même Yakuza : Like a Dragon où les combats au tour par tour ne se contentent pas de choisir des actions, mais demandent aussi une réponse précise au bon moment. Ici aussi, il faut rester actif à tout instant. Le rythme devient alors plus nerveux, plus tendu. Il faut réfléchir à sa stratégie, mais aussi réagir au bon moment. Les défenses bien timées peuvent retourner un combat, et certains ennemis demandent une vraie lecture de leurs schémas pour être vaincus sans trop de casse. Le jeu peut se montrer exigeant, parfois même un peu rude en difficulté expert pour qui n’a pas l’habitude de ce genre de mécanique.


Les points d’action (PA) sont au cœur du système. Il ne s’agit pas seulement de les utiliser, mais aussi de les générer : en attaquant, en esquivant, en soutenant. Cela pousse à jouer de façon active, à ne pas attendre. Ce système est bien pensé : il donne du rythme aux combats, tout en forçant à faire des choix.


Autre mécanique importante : la barre de posture. En attaquant de façon ciblée, on peut remplir une jauge qui, une fois pleine, "fracture" l’ennemi. Il perd alors son prochain tour, et devient plus vulnérable. Cela change beaucoup de choses dans la manière d’aborder les combats, surtout face à des boss puissants. Savoir quand chercher à casser la posture ou à infliger des dégâts directs devient une vraie question tactique.


Enfin, les Attaques Gradient, sortes de coups ultimes à charge progressive, différentes pour chaque membres de l’équipe, déclenche des effets spectaculaires visuellement et tactiquement. Ces attaques deviennent des moments-clefs, des ruptures dans le rythme des combats, mais jamais des solutions de facilité. Elles demandent préparation, positionnement, et parfois le sacrifice d’opportunités immédiates. Car oui, elles ne sont pas là que pour faire joli : elles peuvent sauver un combat mal engagé, ou au contraire être gaspillées si mal placées.

Au final, les combats de Clair Obscur trouvent un bon équilibre entre tactique et action. Ils demandent de l’attention, de la pratique, et parfois un brin d’obstination. Mais ils offrent aussi de vraies sensations, et une forme d’engagement qu’on ne trouve pas toujours dans le genre.


Une direction artistique inspirée au service d’un jeu maîtrisé


Visuellement, Clair Obscur : Expédition 33 impose immédiatement sa personnalité. Il adopte une esthétique picturale qui évoque souvent la peinture à l’huile ou l’aquarelle. Chaque lieu semble pensé comme un tableau vivant. Le cadrage, les couleurs et les jeux de lumière ne cherchent pas le réalisme, mais à susciter une émotion, à instaurer une ambiance. Cela donne aux environnements une respiration particulière, entre esthétisme et narration visuelle.


Le moteur Unreal Engine 5 fait ici des merveilles, non pas tant pour la performance technique brute, que pour la subtilité avec laquelle il rend les matières, ou les jeux de lumière. Certains plans sont à couper le souffle, non pas parce qu’ils sont vraiment spectaculaires, mais parce qu’ils transmettent une émotion, une ambiance. Le jeu ne mise pas sur la grandeur, mais sur des instants de calme visuel : une rue baignée d’ocre, un panorama saisissant, ou encore le calme paisible dans un environnement de destruction et ça fait du bien.


On sent toutefois que le jeu ne dispose pas des moyens d’un blockbuster. Certaines animations faciales sont un peu inégales (en particulier pour certains personnages), notamment dans les scènes les plus chargées en émotions. La motion capture est très correcte mais pas toujours parfaitement fluide, ce qui peut créer de légères ruptures dans l’immersion. Cela reste mineur, mais rappelle que Clair Obscur est un projet ambitieux mais aussi porté par une équipe aux ressources limitées.

Mais globalement, les mouvements des personnages sont soignés, les visages expressifs, et les transitions entre exploration et scènes cinématiques sont assez fluides, les temps de chargement notamment, restent bien dosé. A noter, que quelques bugs mineurs subsistent (collisions, petits décrochages), mais rien qui vienne vraiment nuire à l’expérience.


La direction sonore est également un point fort. La bande originale, essentiellement à base de cordes, de pianos, de chants et de nappes électroniques légères, accompagne parfaitement les moments forts comme les phases plus calmes. Mention spéciale aux musiques originales, qui non seulement collent toujours à l’ambiance de chaque scène, mais qui ont aussi ce petit quelque chose qui reste en tête, et ce même longtemps après avoir posé la manette. Le doublage français est de très bonne qualité, avec des comédiens impliqués et des dialogues bien joués. On peut néanmoins noter une synchronisation labiale parfois imparfaite, le jeu ayant manifestement été pensé en priorité pour la version anglaise. Ce décalage reste discret, mais il pourra sauter aux yeux des plus attentifs. Le mixage, enfin, est correct et met bien en valeur les ambiances, avec des effets discrets mais efficaces.


Techniquement, le jeu reste stable. Sur PC, il tourne très correctement, même avec des options graphiques très élevé, (en tout cas sur ma "vielle" RTX 3080 Ti). Bien sûr, ce n’est pas un monstre technologique, mais c’est propre, soigné, et suffisamment optimisé pour faire oublier les quelques petits soucis qui peuvent subsister : ce qui, en soi, est un bon signe.


Ce qui ressort de tout ça, c’est surtout une vraie cohérence artistique. Clair Obscur sait exactement ce qu’il veut montrer, et comment il veut le montrer. Ce n’est pas un jeu qui en met plein les yeux à tout moment, mais un jeu qui cherche à faire passer des émotions par le visuel et le sonore. Et ça, il y parvient avec une élégance rare.


Une progression classique mais bien rythmée


Clair Obscur : Expédition 33 propose une progression assez classique, mais bien dosée. Le jeu prend son temps : il introduit les systèmes progressivement, sans surcharger le joueur. Ce rythme d’apprentissage permet à chacun d’assimiler les mécaniques à son rythme, tout en restant impliqué dans l’action. Les tutoriels, discrets mais bien intégrés, évitent l’effet “manuel scolaire” : on apprend en jouant, par essais et erreurs, et sans trop de frustration.


Les combats montent en complexité à mesure que l’on progresse. Ce n’est pas la force brute des ennemis qui augmente, mais la variété de leurs comportements. Certains affrontements exigent d’analyser les schémas, d’anticiper les attaques et de faire des choix réfléchis. Pour accompagner cela, plusieurs niveaux de difficulté sont proposés, permettant d’ajuster l’expérience sans trahir la philosophie du jeu. En difficulté standard, les boss offrent une vraie résistance sans jamais sembler injustes. Le jeu punit l’erreur, certes, mais il récompense tout autant la précision et l’attention.


Le système d’accessibilité est également bien pensé. Des options permettent d’adoucir les timings de parade ou d’esquive en choisissant une difficulté plus basse, ou encore d’automatiser certaines mécaniques de QTE sur les attaques pour alléger les phases les plus techniques. Ce sont des ajustements bienvenus, qui permettent à plus de profils de joueurs de profiter du jeu sans sacrifier son exigence.


La progression des personnages repose également sur un système d’amélioration plus original basé sur les Pictos et les Luminas. Les Pictos sont des objets à équiper qui offrent des bonus passifs et modifient les statistiques. Chaque personnage peut en porter jusqu’à trois à la fois, ce qui permet d’ajuster son rôle (attaque, défense, soutien) selon les besoins. Après avoir participé à quelques combats, ces Pictos deviennent "assimilés" et leurs effets peut alors être transférés sur notre personnage via un autre menu appelé Lumina. Ce système permet de cumuler certains effets passif souhaité, et ce à mesure que la capacité d’accueil des Luminas augmente au cours de l’aventure.


L’idée est bonne sur le papier, et le système propose de vraies possibilités de personnalisation. Toutefois, sa lisibilité laisse parfois à désirer. Le menu qui regroupe tous les Pictos et Luminas devient rapidement dense, voire confus, surtout en fin de jeu. Naviguer efficacement entre les différentes options possibles d'effets n’est pas toujours évident, et cela peut décourager l’expérimentation. Reste que l’ensemble est plutôt stimulant, et qu’il apporte une couche supplémentaire d’ajustement tactique bienvenue, malgré ses limites d’ergonomie.


Pour les statistiques de personnages , un point vient également limiter l’intérêt stratégique de cette personnalisation : celles-ci sont étroitement liées aux armes équipées. Ce fonctionnement limite la liberté, et donne à la progression une impression de personnalisation davantage guidée par l’équipement disponible que par les choix tactiques du joueur lui-même. Un système où les statistiques évolueraient directement en fonction de l’équipement aurait sans doute été plus cohérent.


Autre limite : le manque de lisibilité sur le niveau requis des zones. À l’exception d’un message “danger” affiché à l’entrée de certaines zones, rien ne permet de savoir si l’on est à la hauteur de ce qui nous attend. Cette incertitude n’est pas toujours problématique, mais elle peut frustrer ceux qui cherchent à explorer sans craindre de tomber sur un mur de difficulté inattendu.


Dans son rythme général, le jeu trouve un bon équilibre. Malgré ce flou dans la lisibilité des zones, l’alternance entre tensions et moments plus calmes est bien dosée, ou encore l'ergonomie de certains menus qui mériterai d'être revu. *Clair Obscur parvient à maintenir un rythme équilibré, alternant avec justesse les phases exigeantes et les moments plus "simple". Ce tempo maîtrisé, couplé à une difficulté globalement bien dosée, évite les décrochages et maintient l’intérêt du joueur sans provoquer de lassitude.


Un contenu annexe mesuré et une expérience linéaire


Clair Obscur : Expédition 33 ne cherche pas à noyer le joueur sous une quantité astronomique de contenu annexe. À l’inverse d’un monde ouvert à la carte saturée d’icônes, comme pourrait le faire Ubisoft avec ses open world, il adopte une structure plus resserrée, presque linéaire, mais avec des bifurcations discrètes, des détours optionnels, et quelques secrets à découvrir pour ceux qui prennent le temps d’explorer.


Les quêtes secondaires sont présentes, mais restent très limitées en nombre. Elles ont cependant le mérite d’être souvent bien intégrées à l’univers, et parfois porteuses d’enjeux narratifs intéressants. On n’est jamais dans le remplissage : chaque objectif a une raison d’exister, un ton juste, et parfois même une influence, bien que minime, sur certains dialogues ou réactions plus loin dans l’aventure.

On trouve aussi des zones facultatives, des boss optionnels, et quelques défis plus corsés pour les joueurs qui veulent tester leurs limites. Là encore, rien d’encyclopédique, mais suffisamment pour offrir des respirations bienvenues dans le rythme global, et valoriser les mécaniques de combat dans des contextes un peu différents.


En revanche, la rejouabilité reste assez limitée. L’expérience est très balisée, et même si quelques décisions peuvent modifier très légèrement certaines répliques ou scènes, on reste sur une trame principale assez rigide. Il n’y a pas d’embranchements narratifs majeurs ni de fins alternatives secrète à débloquer. Le seul choix un peu majeur se fera à la fin et c'est tout. On joue Clair Obscur pour découvrir un récit fort, mené de bout en bout sans détours superflus. L’expérience est conçue comme un tout cohérent, à vivre pleinement, mais une seule fois. Ce qui personnellement me convient parfaitement dans ce type de jeu.


Ce n’est donc pas un défaut en soi, mais un choix assumé : proposer une expérience concentrée, maîtrisée, et laisser le joueur en sortir avec une impression complète, sans forcément chercher à l’étirer artificiellement.


Un jeu imparfait, mais profondément sincère


On ressort de Clair Obscur avec des images plein la tête, des idées, des dialogues, et parfois même, pour les plus émotifs, un pincement au cœur. Et c’est sans doute là que réside la véritable réussite de Clair Obscur : celle d’un jeu sincère, façonné avec passion, qui assume pleinement sa vision. Une œuvre qui, sans chercher à en faire trop, parvient à toucher, à marquer, et peut-être même à inspirer.


Bien sûr, tout n’est pas parfait. On pourrait citer les mini-jeux, entièrement facultatifs, mais parfois frustrants, ou encore quelques défauts d’ergonomie. Pourtant, ces petits accrocs pèsent peu face à ce que le jeu parvient à transmettre. Il offre un univers fort, une ambiance singulière, et une narration marquante : le tout à un prix plus modeste que bien des productions AAA.


Clair Obscur ne cherche pas à cocher toutes les cases : il s’affirme avec authenticité, et conviction. Et pour ce qui me concerne, je trouve qu’il manque aujourd’hui de jeux qui osent affirmer une vision personnelle, sans forcément obéir à de quelconques analyses de marché, même si cela implique de prendre des risques. Celui-ci l’a fait : Et c’est précisément pour cela qu’on s’en souviendra.


Note finale : 8/10


Ce que j'ai retenu de Clair Obscur : Expédition 33 :

  • Un univers fort, original et évocateur.

  • Une narration riche, émotive et bien rythmée.

  • Des mécaniques de combat inventives et dynamiques.

  • Une direction artistique marquante, au style pictural unique.

  • Une aventure maîtrisée et sincère, pensée pour marquer les esprits.

  • Des musiques qui collent à chaque moment et restent en tête.


Certes, tout n’est pas parfait : les menus manquent parfois de clarté et certains éléments techniques trahissent un budget modeste. Mais ce sont là des détails face à l’authenticité de la proposition. Clair Obscur ne cherche pas à multiplier les promesses : ce qu’il propose, il le tient avec sincérité et justesse. Et dans un contexte où les jeux qui affirment une vision personnelle se font rares, Clair Obscur : Expédition 33 fait ce pari et le relève haut la main.


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